Un instant d'éternité... pour s'apprendre... s'aimer.

Et les ombres nous offrirons le couvert de leur feuillage...

Sourire. Rire.
C’est comme lorsqu’on n’a trop bu : on ne peut pas s’en empêcher. Enivrée de bonheur, d’amour. Cela fait si longtemps qu’elle n’a plus l’habitude, que ça lui monte à la tête après seulement quelques gorgées délicieuses. C’est nouveau, c’est bon. Son cœur bat si vite, pulse si fort sa joie que la jeune femme sent ses joues rougir dès qu’il pose le regard sur elle.

- " Crois-moi, je suis une catastrophe si on m’abandonne dans une cuisine. " affirme-t-elle.

La conversation avait effleuré plusieurs sujets… les goûts culinaires de l’un, de l’autre… ses capacités, ou plutôt ses incapacités de cuisinière et Seiren en avait profité pour engranger autant d’informations qu’elle avait pu, notant mentalement les préférences de son… compagnon ?

Oui, pourquoi pas… cette nuit au moins, rêvons qu’il n’est qu’à elle, qu’elle n’a pas à le partager – même virtuellement – avec une autre. Fermons fort les yeux puisqu’il dit que l’autre n’est rien pour lui. Il sera bien temps de les rouvrir plus tard…

… Le plus tard possible.

Lorsque Ikaru gare la voiture devant un restaurant dont elle ne connait rien, elle prend soudain conscience de sa tenue. Ses mains lissent machinalement le coton de sa jupe qui conviendrait mieux à une promenade au bord de la rivière Meguro qu’à un dîner dans un trois-étoiles. Elle abandonne sa casquette gavroche sur le siège passager et délivre une cascade d’ébène de l’élastique qui tentait tantôt de la dompter. Maigre tentative pour paraître plus présentable.

Ses doigts viennent chercher la main chaude et réconfortante, ils la serrent et laissent transparaître une certaine angoisse… celle de le gêner.

Juste avant d’entrer, elle s’arrête soudain, le retient. Le regard se perd dans le béton du trottoir alors qu’elle explique :

- " Ikaru… Avec mes vêtements, je vais paraître déplacée parmi vous tous… je risque de te mettre dans l’embarras. "

Elle connait cet univers d'apparence et de théâtre, ses règles impitoyables... Elle sait à quel point le regard des autres peut être... non... à quel point il importe.

Elle lève les yeux, ancre ses prunelles dans les siennes. La douce enfant ne croit pas encore complètement à sa chance alors elle fouille et cherche dans le jade et les étoiles cuivrées une traînée de moquerie comme la queue d'une comète qui s'attarde, une étincelle de badinage...

Mais... Rien.
Rien que de la douceur.
Rien que cette chaleur.

Comme cette main qui vient réchauffer ses doigts et son cœur.

Alors...
Alors elle sourit, confiante.

Allons-y alors.

Les regards qui se tournent vers eux à leur entrée ne sont que ceux de quelques curieux et reviennent bien vite à leurs affaires. Il y a si peu de japonais ici qu'elle a l'impression d'être dans un autre monde. Un monde sans Yûko. C'est presque étrange de ne plus l'entendre vous dire de se tenir droit et de sourire au lieu de rester là, à côté d'Ikaru, le regard fuyant mais curieux.

C'est étrangement reposant.

Avec un sourire timide, elle remercie le serveur qui vient apporter le kir et le pétillant de grenade, accompagnés de la carte, avant de reporter le regard vers Ikaru.

- " Je... "

... voudrais en savoir plus sur toi. Tu as du sang étranger, n'est-ce pas ? D'où viens-tu ? Qui es-tu ? Que fais-tu ? Qu'aimes-tu ?

Mais ce ne sont pas des choses qui se disent comme ça.
Alors finalement, elle soupire et repose la carte sur la nappe blanche.

- " ... Je te laisse choisir. Je n'y connais absolument rien. " sourit-elle avant de goûter au champagne.

Tous ces mots qui se pressent mais que l'on ne dit pas... Par peur. Par pudeur... tous ces termes qui finissent en "eur" et entremêlent en un sentiment ambigu malheur et bonheur. Malheur de ne pas savoir, bonheur de cet instant simple...ment dédié au présent.

"Je tâcherais de faire au mieux dans ce cas..."

Le sourire qui n'y est pas et la gorge qui se noue tandis qu'ils se retrouvent soudain à l'endroit où commencent les confidences... où les liens déjà tissés peuvent s'ancrer dans la réalité... ou bien s'y heurter.

Cela faisait si longtemps...
Mais désapprend-on jamais l'amour?

Les yeux voilés, l'avocat décida soudain de s'éveiller en passant commande au serveur revenu quelques minutes plus tard sans se formaliser de trouver les tourtereaux enrobés de silence.
Enfin!
A présent plus personne ne viendrait les déranger et Ikaru en profita pour lancer la conversation.

"J'espère que la cuisine française te plaira...
Avec un peu de chance je pourrais t'emmener en France pour profiter de celle-ci."

Si cela marche entre nous...
Si ma mère accepte de bien vouloir cesser de surveiller ma vie, comprend qu'entre Okane-sama et moi aucune émotion affectueuse ne saurait transformer cette mascarade en mariage.

Evidemment, le shingiin avait conscience que c'était précipiter les choses que de parler de voyage à deux dès maintenant mais...
Mais merde! Il voulait vivre à présent! Qu'importe ce qu'en dirait le monde et le temps...

"Oh, si tu voyais les monuments parisiens... la cathédrale, les musées... Les vieilles rues pavées, les passages envahis par le lierre pour les relier, les parcs et les jardins...Les châteaux de la Loire... les...
Mais que dis-je... tu les verras!"

Un sourire ravi illumina son visage tout entier, l'infantilisant par la même occasion.

"J'ai même une autre idée... Mais je t'en parlerais en temps voulu.
Si tu le veux bien sûr..."

Si tu le veux et surtout si je le peux...
Qui sait si tu voudras toujours de moi à ce moment là... si la vie, la gloire, la popularité ne t'ont pas dirigée vers un garçon plus beau, plus riche ou plus intelligent... Si je ne suis pas mort à cause d'un règlement de compte entre yakuzas, derrière les bareaux à cause d'un procès malencontreux...

Cette idée?
La rencontre entre Seiren et Iris, bien entendu.
Inclure la miss Richter à leur petite escapade amoureuse ne réjouirait pas forcément la belle, mais s'ils parvenaient à convier un 4ème larron à leur voyage, la jeune gaijin pourrait retrouver son pays natal pendant au moins un temps et peut-être même les guider au travers la ville des lumières _quoique à voir le visage rayonnant de l'avocat, il n'avait certainement pas besoin d'éclairage pour paraître transcendé_ tout en ne se retrouvant pas abandonnée lorsque le petit couple désirerait s'éclipser.

Redescends sur Terre mon garçon! La lune et l'apesanteur c'est bien mais enfin...
Te rends-tu compte qu'Elle peut t'échapper à tout instant?