Un homme dangereux, jusque dans la voix. Heureusement que Kaede ne s'arrêtait pas à ces détails trop peu pertinents pour l'atteindre. Quoique... Non, pas dans le cadre professionnel, c'était un fait. Et ce n'était pas en étant trop influençable que l'on parvenait à atteindre un poste pareil, n'est-ce pas? Elle resta pourtant une seconde supplémentaire sur le pas de la porte. Pas étonnant que l'Oyabun faisait partie de ceux qui obtenaient tout ce qu'ils désiraient. Puis sa main pressa lentement la poignée. Elle pénétra finalement dans la pièce.
Ces décorations fleuries... Il n'y avait pas à dire, cette pièce avait malgré tout un aspect un peu plus vivant que ses propres appartements, fonctionnels à défauts de jolis. La couleur lui convenait pourtant. La pièce avait un petit quelque chose de calme, mais ce n'était très certainement pas un véritable reflet de la réalité. C'est fou comme avec un peu de talent et des couleurs ont pouvait donner n'importe quelle émotion à un lieu.
La Shatei-gashira referma la porte derrière elle, le plus naturellement du monde. Son regard ne s'était posé qu'un vague instant sur l'Oyabun, le temps de le situer dans la pièce. Une situation insolite d'ailleurs. Elle ne le trouvait que très rarement dans cette position. Peut-être le dérangeait-elle? C'était probable. Mais il fallait croire que ça ne le gênait pas suffisemment pour avoir ignorer les coups qu'elle avait porté contre la porte.
Elle se retourna, s'avançant jusqu'à l'Oyabun, s'inclinant poliment, comme le voulait l'usage, parce que Kaede était un brave lieutenant, quoiqu'on puisse en dire. Shukon était la principale personne à qui elle devait rendre des comptes, et il était aussi très certainement le seul qu'elle respectait sincèrement, du moins elle en avait l'air. Faux aussi? Qui sait. A défaut de son patron, elle n'avait pas perpétuellement le talent nécessaire pour paraître si... Chaleureux? Poli? Séduisante? Enfin pas aussi souvent aimable que lui. Au moins, elle n'avait pas à jouer un rôle devant lui. Un frêle sourire, par bon sens, par amabilité, ce fut tout ce qui effleura les traits de Kaede pour le moment.
"Bonsoir, Shukon-dono. Je me porte bien."
Demander des nouvelles n'était sans doute que pure formalité. Jamais elle n'avait répondu autre chose de toute manière. Fidèle à elle-même, sans ressenti particulier. Elle redressa sensiblement la tête, respectueuse avant tout, avant de poursuivre.
"Je vous prie de m'excuser pour oser ainsi vous interrompre, mais il y a une affaire dont il me faut vous faire part assez rapidement. Cela concerne le clan Sensu."
Du moins en priorité.