Qui vit la mort... [Libre]

... Jouit d'une longue vie.

Lao-Tseu était un homme sage. Idéealiste, mais sage. Ces paroles n'étaient pourtant dans aucun des esprits des passants à cette heure animée de la journée. Parmi les bruits de la rue, le grondement d'une moto passait quasiment inaperçu, ce qui n'était pas pour gêner la personne qui se trouvait dessus. Le grognement du moteur baissa quand la grosse machine ralenti, quittant la route pour se glisser dans une ruelle adjacente pour enfin s'immobiliser à l'écart du trottoir, pour ne gêner personne. Une main gantée fit tourner la clé, étouffant définitivement les vibrations graves du véhicule. Puis le plus naturellement du monde, cette même main glissa le trousseau dans le blouson en cuir, faisant descendre un peu plus la fermeture éclair sur le décolleté féminin tout à fait honorable. Un peu plus haut, une fenêtre se refermait sur les rires d'un groupe de personne, mais ce genre de détail ne fit même pas tourner la tête à la jeune femme.

Avec soin, elle retira ses gants, doigts après doigts, dans une attitude presque maniaque pour ensuite les ranger là où elle avait glissé précédemment les clés. Les mains enfin libérées détachèrent la lanière du casque pour le retirer, dévoilant le visage du conducteur. Malgré l'ivresse que pouvait provoquer la conduite de ce genre d'engin, Kaede paraissait indifférente, glissant machinalement ses doigts dans ses cheveux pour les remettre en place avant de balayer la rue principale avec un intérêt quelque peu insignifiant. Pourtant elle était intéressée, et par une seule chose en vérité: le restaurant dont elle fixait à présent l'enseigne. Oh, ce n'était de loin pas la première fois qu'elle se trouvait ici. Parfois elle y mangeait, parfois elle y faisait d'autres choses. Mais en ce moment, c'était bien son estomac qui avait dicté son parcours jusqu'ici.

Son pied écarta dans un claquement sonore la béquille de sa moto et, dans un délicat balancement d'abord des hanches, puis du corps, elle inclina son imposante et précieuse Honda. Sa jambe droite suivit le mouvement, passant par-dessus la selle pour que finalement, elle se mettre à marcher en direction du restaurant, son casque pendant au bout de son bras. Machinalement, sa main libre tâtonna le blouson en cuir, s'assurant plus par habitude que par inquiétude qu'elle avait bien pris son porte-feuille. Tout était en place, comme toujours et elle entra dans le restaurant.

Son style aurait pu déteindre tout de même avec l'ambiance un tantinet chic du lieu. Le blouson donnait un air de vilaine fille, aussi le fit-elle glisser sur ses épaules pour le replier sur son bras. Avec son pantalon de tailleurs, ses escarpins et son bustier parfaitement assorti, elle collait plus à l'élégance locale. Elle n'eut même pas à attendre plus de quelques secondes pour qu'une jeune fille se précipite poliment vers elle, le visage sagement incliné au sol, un sourire de circonstance sur les lèvres. Elle hocha la tête en guise de salut, la voix de Kaede lui ouvrant le dialogue avec une sympathie tout juste polie.

"Ni Hão Hui. Ma table est-elle libre?"

La jeune fille acquiesça et se dirigea vers la salle, suivit de Kaede. Elle avait bien fait de téléphoner au préalable, la salle semblait déjà pleine. Elle n'accorda cependant aucun regard aux autres clients, allant simplement prendre place à cette table à l'écart laissée tout à son confort. Kaede s'installa donc, après avoir posé son blouson sur le dossier. Ses jambes se croisèrent sous la table, et elle effleura la carte déposée à son intention sans l'ouvrir.

"La même chose que d'habitude, Shinoda-sama?"
"Oui, volontiers. Avec un thé jaune, cette fois."
"Tout de suite."

La jeune fille s'en alla rapidement,se glissant entre les tables en direction des cuisines. Pour tuer le temps, Kaede survola tout de même le menu judicieusement laissé par la dénommée Hui qui, semble-t-il, connaissait les habitude de la Shatei-gashira. Le thé fut rapidement servi, et la carte repartie. Les mains de Kaede se entourèrent la tasse. A travers la vapeur qui s'en élevait, elle voyait tout ce qui se passait dans la salle, et surtout elle avait une vue sur les escaliers menant aux étages. Oh, elle n'était pas venue pour le travail, uniquement pour le plaisir. Mais l'un n'empêchait pas entièrement l'autre, n'est-ce pas?

Invité

Un resto chinois, c'est chic. Et la nourriture est pas vraiment dégueulasse. D'ailleur elle est même plutot bonne. Surtout dans celui là parait-il. Mais bon, William a pas vraiment de feeling avec la cuisine extrème orientale. Mais bon, une fois de temps en temps, c'est plutot agréable, surtout que quand on habite au Japon, il faut bien finir par s'y faire. Alors il décida, parfaitement sur un coup de tête, comme toutes ses décisions, d'y entrer. Le repas était peut-être cher, mais après tout, pourquoi pas ?
Comme d'habitude dans les restos plutot chics, il fesait tache dans le paysage. L'employée de l'accueil le considéra avec un regard étonné pendant quelques minutes avant qu'il, avec un sourire très amusé, décide d'engager la conversation.

- Ce serait possible de manger un morceau dans cette magnifique gargotte ?

L'employée eut l'air génée son regard semblait exprimer quelque chose du genre "Ah tien ? T'es pas là pour essayer de nous braquer ?", et William lui adressa un regard qui lui avait-l'air de dire "ben non, et j'ai même un peu d'argent poulette !"

- Heuu... Certe, c'est possible. Veuillez me suivre.

Et l'irlandais lui emboita le pas. La jeune ville visiblement d'origine chinoise l'amena à une table pour un juste à coté de Kaede.

- Vous n'avez rien de plus lumineux ?

La fille de l'accueil lui adressa un regard assasin.

- Mais non, allez, je déconne. C'est parfait.

William s'assit sur sa chaise après avoir enlevé sa veste et l'avoir gracieusement posée sur le dossier de sa chaise. La jeune fille lui passa la carte des plats. Puis elle s'en alla le laissant faire son choix. Le gaijin passa en revue rapidement ce qui s'y trouvait. Puis n'ayant vut aucun nom particulièrement trippant, ou du moins acrocheur, il se décida à tout lire en détail.
Bon l'ennuit c'est que c'était écrit pour d'obscures raisons, dans un alphabet qu'il ne maîtrisait que très sommairement.

- Grmbl, ils pourraient quand même écrire normalement. Vraiment aucun sens du tourisme ces japonais.

Les quelques personnes qui l'avaient entendu le regardèrent outragés. Non pas parce qu'ils avaient comprit, non, l'irlandais avec un fort accent d'irlandais habitué des pubs. Non, c'est juste que jurer à voix basse (oui parce qu'il jurait, même quand on comprend pas ça se voit.) Puis après une dizaine de minutes d'une lecture acharnée, il réussit à déchifrer la description d'a peu près tous les pats. L'un lui parut très interessant. D'ailleur c'était pile au moment où la serveuse revint pour le voir.

- Monsieur a-t'il choisit ?

- Oui... J'aimerait un plat. Hum... disons, du porc au caramel. Avec du riz bien parfumé.

L'irlandais claqua le menu avec un geste sec. La jeune fille reprit le livret en carton plastifié, puis elle s'éloigna.

Ce restaurant avait décidément bien du succès. La pauvre employée avait à peine le temps de servir quelques plats qu'un nouveau client se présentait. Pourtant Kaede n'y prêta pas attention, du moins pas tout de suite. Plus loin, une autre personne lorgnait sur les escaliers, et vu que son repas ne dégageait plus de petite vapeur caractéristique, il était évident qu'il n'était pas là pour goûter aux talents du cuisinier. Bah, un autre obsédé du travail! La jeune femme leva sa tasse de thé et souffla à peine dessus pour en chasser un semblant de chaleur avant d'en prendre une gorgée. Délicieux, comme toujours. Seulement elle ne resta pas bien longtemps avec cette pensée en tête.

Comme la grande majorité des clients déjà installés, elle reporta son attention sur ce fameux client à l'apparence peu conventionnelle. Gaijin, bien sûr! Pourtant la curiosité s'était dissipée dès qu'elle l'avait vu. Contrairement aux autres, elle se détourna bien rapidement, préférant son thé à ce que beaucoup considéraient comme un spectacle dérangeant. Kaede avait beau y penser, jamais elle n'avait eu de répulsion particulière pour les étrangers. Après tout, elle-même était souvent considérée comme telle simplement parce qu'elle venait d'une toute autre région. Les natifs de Tokyo ont parfois des réactions affreusement limitées.

Ah ben tiens! Hui l'amenait à la table d'à côté. Bon en même temps, il n'y avait pas beaucoup de places libres dans le restaurant, et à défaut d'avoir un journal ou toute autre distraction vaguement littéraire, elle aurait l'étranger. Pauvre Hui! Le regard assassin qu'elle lui lançait n'était pourtant pas très fréquent chez elle. Sans doute l'étranger devait-il bien s'amuser avec les moeurs strictes asiatiques. Pendant un moment, elle se demanda même si elle devait donner un coup de main pour lire la carte mais... Et bien non. Elle n'avait pas la bonté nécessaire pour ce genre de bonne action. Et puis de toute manière s'il parlait aussi bien le japonais (malgré un accent qu'elle n'arrivait pas à situer), il devait être capable de le lire, non? En revanche elle était suffisemment près pour entendre ses jurons qui n'eurent pour effet que de lui faire hausser un sourcil plus amusée qu'outragée. Peut-être même un vague sourire était apparu, vite caché par la tasse de thé dont elle prenait une gorgée supplémentaire.

Il fallait dire que plus que lui, les réactions choquées des autres clients étaient risibles. C'était à cause de cette étroitesse d'esprits qu'ils pouvaient faire de si bons pigeons. Kaede suivit un instant la serveuse du regard, jusqu'à-ce qu'elle revienne prendre la commande de l'étranger pour ensuite repartir avec la carte. Pour toutes les attentions qu'il sollicitait, le gaijin lui parut bien sympathique. Et vu son niveau en japonais, il était ici depuis bien assez longtemps pour connaître les moindres réactions nippones. Peut-être s'en fichait-il? Ou s'en amusait-il plus probablement. En tous les cas il devenait un peu plus intéressant.

"Très bon choix."

Visiblement, elle non plus n'en avait pas grand chose à faire des convention. Après tout, elle ne s'y pliait que pour arranger les autres quand ça l'arrangeait elle, ce qui n'était pas le cas avec le gaijin. Elle n'avait pas parlé fort, juste à peine pour qu'il entende sans susciter d'avantage la gêne chez les autres clients.

Invité

William était en train de jouer avec ses couverts quand Kaede s'adressa à lui. Il fut d'abords surprit d'entre autre chose que les discussion pudiques à voix basse. Puis se dit que c'était peut-être une commande qu'il n'avait pas entendue. Ou tout simplement la serveuse qui ne s'était pas encore éloignée. Alors il releva la tête. Pour se retrouver, on ne dira pas nez à nez, mais disons, presque fixé par une fille en tailleur avec une veste de moto sur le dossier de sa chaise, des yeux bleus comme on en voit pas beaucoup au Japon, même ailleurs d'ailleurs. Enfin il n'était pas encore allé en Suède... Bref, ce qui l'étonna le plus c'était que la voix qu'il avait entendue semblait coller parfaitement à son interlocutrice visuelle. Et il décida que tant qu'a faire, autant discuter en mangeant, faire deux choses en même temps c'était à sa portée.

- J'espère bien. On m'a tellement vanté cet endroit que ce serait un mythe qui s'effondre si la nourriture n'est pas à la hauteur.

Oui, on l'aura remarqué, l'environnement pour William passe au quinzième plan. Dans un restaurant, la nourriture est primordiale ! Juste alors qu'il venait de répondre, la serveuse lui amena une carafe d'eau et une soupe au miso pour patienter. L'irlandais goûta la soupe.
Il se décida alors, par dessus son bol, exactement de la même manière que Kaede le faisait par dessus sa tasse d'analyser son interlocutrice. Ce qui le frappa c'était ses mains. Elles n'étaient pas du tout des mains d'une bourgeoise japonaise classique qui sort parfois seule dans l'espoir de trouver quelqu'un pour occuper son lit. Non, les mains de cette fille étaient... Abimées... Dangereuses... Mortelles... Précises. Des mains comme on en voit plus chez les Yakuzas ou les bûcherons. Or comme ici, il n'y avait pas de bois à couper, il en déduisit que c'était comme lui une yakusa. D'un autre clan sans aucun doute. Mais ça c'était pas son problème.
A peine eut-il finit sa soupe et reposé son bol. Rompant ainsi cet échange d'information réciproque, que la serveuse revint, lui apportant sa commande. Il la remercia vaguement, en anglais. Puis il goûta le plat. Heureusement que depuis le temps qu'il était là il savait utiliser des baguettes, même si les couverts occidentaux lui manquaient parfois.
Il porta la nourriture à sa bouche. Mastiqua en fin gourmet. Et avala.

- Il faut reconnaître que vous avez raison. C'est plutôt bon. On n’en mange pas tout les jours de la nourriture pareille.

Il reprit deux ou trois bouchées, puis se redressa vers Kaede.

- Au fait, je m'appelle William. Je me permet de vous demander votre nom. Vous n'avez pas l'air très traditionnelle. On n'en voit pas beaucoup qui parlent aux excentriques étrangers dans ce pays...

Oh l'étranger ne serait pas déçu du menu, de ça au moins elle en était certaine. Ce restaurant n'était pas réputé pour rien. Kaede se redressa sensiblement quand la serveuse apporta une soupe au jeune homme. La pauvre ne faisait que courir d'un client à l'autre. Le patron devrait sérieusement penser à embaucher une ou deux personnes supplémentaires pour les heures de repas. Quand elle se reporta sur l'homme, elle constata qu'il la fixait. Non en fait pas vraiment elle, juste ses mains. D'habitude personne ne s'y attardait, mais celui-ci semblait détailler les gens avec un peu plus de soin que la majorité des japonais. Un soin qui n'était d'ailleurs pas commun aux touristes non plus, même ceux qui parlaient très bien la langue locale. Sans doute quelqu'un du milieu? Probablement. Mais lui, elle ne l'avait jamais vu. Peut-être faisait-il parti d'un autre clan? Ou peut-être se faisait-elle trop d'idées. De toute manière, elle se ne se voyait vraiment pas ouvrir ce genre de sujet dans un endroit pareil.

Quand la commande arriva, et qu'il remercia la serveuse en anglais, elle avait une idée un peu plus précise sur l'origine de l'homme. Les remerciement se font instinctivement dans la langue maternelle, rarement une autre. Mais celui-là n'avait pas tout à fait le même accent que les anglais ou les américains qu'elle avait rencontré, et ça l'intriguait un peu, il fallait bien l'avouer. Ses réflexions furent à nouveau détournée par la serveuse qui lui apporta son plat, du poulet à l'ananas, pour ensuite retourner servir d'autres personnes. Machinalement, elle attrapa un morceau de viande du bout de ses baguettes, mais avant d'y goûter, la voix de l'inconnu lui fit relever les yeux.

"C'est ce qui rend cet endroit relativement exceptionnel."

C'était peut-être un bien grand mot pour un simple restaurant, mais Kaede avait déjà éprouver des établissements de luxe qui servait de la nourriture purement immangeable. Ici, c'était toujours délicieux, et quelque chose lui disait que l'ancienneté du cuisinier n'y était pas étrangère. Elle prit enfin quelques bouchées, profitant de son menu habituel en écoutant le jeune homme.

"Certains japonais sont nettement plus excentriques que les étrangers. Mon nom est Shinoda Kaede."

Ah ça non, malgré un profond respect pour les traditions, Kaede n'aimait pas toujours les appliquer. Certaines était désuètes et beaucoup trop de japonais oubliaient que le monde ne se limitait pas à leur pays. Il fallait savoir s'ouvrir au monde, n'est-ce pas?

"Pardonnez cette question indiscrète, mais il me semble que votre accent n'est pas anglais, ni américain d'ailleurs. Oserais-je vous demander d'où vous venez?"

Tant de manières... En faite elle ne se trouvait pas du tout indiscrète. Nous dirons juste qu'elle voulait rester polie.

Invité

La question de Kaede ne surprit qu'a moitié William. Elle avait un sacré sens de l'observation, c'était visible du premier coup d'oeil. Enfin encore fallait t'il oser la regarder, et ne pas s'attarder sur les choses que les hommes ordinaires regardent le plus chez une femme.
Or William ne perd pas son temps avec les futilités charnelles. Les futilités tout court d'ailleurs.
Il évita quand même de parler la bouche pleine et avala rapidement le riz imbibé de sauce.

- Hum, effectivement. Je ne viens pas d'Amérique. Je suis Britannique. Mais pas rattaché à la couronne. Je viens de l'Irlande, le pays des léprechauns, des farfadets aux marmites d'or, de la Guinness, des pubs, des ruisseaux aux sources claires et des filles à la peau blanche comme la neige et aux cheveux de feu.

Rien que le fait d'évoquer en termes plus ou moins humoristique sa terre natale plongeait William dans un état de nostalgie profonde. Quand il pense qu'il n'a réussit à éviter la prison qu'en se faisant exiler pendant dix ans... Ca ne valait pas le coup se dit-il maintenant. Mais comme il n'était pas du genre à se lamenter sur les choses de la vie, il réussit à accrocher à nouveau un sourire satisfait après avoir mangé deux ou trois morceaux de viande accompagnés du riz subtilement cuisiné.

- Enfin, si jamais vous avez de l'argent à dépenser et du temps, allez-y, ça vaut sacrément le coup.

Puis il regarda son assiette et se mit à rire doucement. Un rire légèrement moqueur, en parlant d'Irlande, il faut dire que la bouffe là-bas...

- Par contre si d'aventure vous désirez garder votre ligne, avalez un ver solitaire, parce que les portions sont autrement plus copieuses que ce qui est servit ici. Sans oublier qu'on ne mange pas en Irlande avec un verre d'eau...

Rien que le fait de parler subtilement de la bière irlandaise, il eut vraiment soif. Il s'épancha un peu avec un verre d'eau.

- Enfin je parle, je parle, mais c'est possible que vous n'en ayez strictement rien à... faire...

Alors c'était ça cet accent? Au moins elle saurait probablement le reconnaître. William était le premier irlandais qu'elle rencontrait, et probablement le dernier. Le regard de Kaede allait alternativement de son plat au jeune homme, écoutant ses paroles. Elle n'avait pas particulièrement l'air intéressée. De fait, elle n'avait aucun air particulier du tout. Pourtant elle était effectivement intéressée. Kaede ne connaissait que le Japon et jamais elle n'avait été voir le reste du monde. Si elle avait eu un désir de liberté plus grand, sans doute aurait-elle regretter cet état de fait. Son plat avait diminué de moitié, et jamais elle n'avait interrompu les paroles de William. Peut-être était-ce par politesse, ou peut-être simplement parce qu'elle n'en avait tout simplement pas envie.

A vrai dire l'idée qu'elle avait de l'Irlande était très stéréotypée. Les créatures féériques, les petits bonshommes qui se baladent aux pieds des arc-en-ciels avec des quantité d'or hallucinantes... Les seules images qu'elles connaissaient était celles qui circulaient partout. De grandes étendues, des falaises, des moutons... A moins que ce ne soit l'Ecosse? Difficile à dire. Pour le reste, elle connaissait les pubs de réputation et imaginait aisément une bande de rustres ivres en train de chanter des chansons à boire sur des airs typiquement celtiques. Et oui, elle n'avait qu'une connaissance très sommaire de ce pays. En revanche elle savait qu'on y décrivait les hommes comme forts et résistants, ce qui devait expliquer le physique de William. La plupart des japonais devait le craindre plus pour sa musculature que pour ses origines. S'il était Yakuza, il devait faire un excellent homme de main. Encore qu'elle n'était de loin pas certaine qu'il en fasse vraiment parti. Même si le milieu n'était pas conventionnel, certains répugnait à engager des étrangers.

Mais ce qui étonnait le plus Kaede, c'était la manière avec laquelle il décrivait son pays. Elle aurait presque dit qu'il regrettait de l'avoir quitté. Que faisait-il au Japon si c'était le cas? Peut-être se trompait-elle. Mais il y avait dans son ton la même sensation qu'elle avait eu pendant ses premiers jours à Tokyo. Quelque chose de vaguement nostalgique. Les derniers mots de William lui firent relever les yeux pour le fixer plus sérieusement.

"Non... Comme je n'y mettrait très certainement jamais les pieds, c'est agréable d'en entendre parler."

C'était un peu comme un voyage à moindre frais. Dommage qu'elle n'avait vraiment pas le temps de prendre de vacances. De fait elle aurait pu, mais pour rien au monde elle ne confierait son travail à quelqu'un d'autre. Ce devait sans doute être un manque flagrant de confiance envers autrui.

"Vous avez l'air de regretter votre pays. Pourquoi êtes-vous venu ici? Pour le travail?"

De toute évidence pas pour le tourisme. Il semblait avoir vécu ici depuis bien assez longtemps. Elle avala encore quelques bouchées de son menu avant de reposer ses baguettes et de reprendre son thé entre les mains. Il avait d'ailleurs pas mal refroidi.

Invité

La question parvint aux oreilles de William en même temps que son verre d'eau arrivait à sa bouche. Résultat, il manqua de s'étrangler. Puis une fois qu'il eut reprit sa respiration, il ne put s'empêcher de partir dans un fou-rire incontrolable. Au bout de quelques minutes seulements, il parvint à controler les sacades. En fait, plus que joyeux, ce rire était assez nerveux. Parce qu'il y avait un lien entre ses revenus et son départ. Mais pas tout à fait celui que venait d'envisager Kaede.
Enfin, une fois que les clients plus ou moins choqués eurent finis de lui jeter des regards qui semblaient dire "comment-se fait-il qu'un SDF mange là ? il répondit calmement, même si il contrôlait manifestement son rire.

- Le travail... Oui, c'est à cause du travail. Enfin pas tout à fait. Disons que c'est à cause de l'emploi que j'occupait et de ma source de revenus.

Conscient que sa phrase ne voulait strictement rien, mais alors rien dire à une intelligence autre que la sienne, il réprima un soubressaut et repartit dans ses explications.

- Bien, ne prenez pas de faux airs choqués je vous en prie, mais je suis ici parce que j'ai essayé - et réussit - de monter une escroquerie à très grande échelle. Mais bon, j'ai été choppé. En fait c'était fait exprès, ils avaient un coupable, le bon en plus, ils m'on traduit en justice. Mais comme je suis un exellent avocat, enfin j'étais, imaginez vous bien... Bref, j'ai évité la prison et prit dix ans d'exil. Et je suis venu ici pour voir un autre type de société.

Bon, là, Will n'avait pas du tout expliqué en détail ce qu'il avait fait. A vrai dire c'était le plan le plus ingénieux du monde jusqu'a ce jour. Mais le mieux, c'était qu'il avait parfaitement réussit. Bon, bien sur il y avait un sacrifice, mais bon, on attrape pas des mammouths avec des ficelles. Et puis cette escroquerie, car il préférait se nommer escroc à grande échelle plutot que vulgaire voleur, cette escroquerie n'était en rien égoïste. On pourrait même la qualifier d'acte philanthropique.

- Mais, si vous me permettez, j'ai remarqué vos mains... Si je cherchait à faire de la galanterie j'aurait plutot choisit vos yeux, mais vos mains sont assez fascinantes. Comment les avez vous mises dans cet état ? Et pas de balivernes sur un accident de moto. Pour l'extrémité de vos doigts je dirait un instrument à corde, mais vos phalanges... J'ai bien une idée mais bon...

Ce n'était donc pas vraiment de la nostalgie. Au moins il avait le mérite d'être honnête, mais un escroc de haut vol reste un escroc quoiqu'il arrive. De toute évidence, il était malin, assez pour s'éviter de très graves ennuis, mais pas assez pour échapper à l'exil. Pas de chance pour lui... Au moins ce genre d'activité lui ouvrait pas mal de porte à Tokyo. Et surtout, avec ce genre d'activité, il était maintenant évident que les yakuzas lui avait mis la main dessus. Visiblement ce n'était pas son clan, elle l'aurait su. Les gaijins sont assez rares pour qu'elle prenne la peine de se renseigner sur eux. Au moins sa question l'avait fait rigoler, c'était déjà pas mal. Les regards des autres clients outrés avaient même un côté risible. D'ailleurs Kaede ne se gêna pas pour cesser de fixer l'irlandais et se reporter sur les autres personnes. Celles qui croisaient son regard s'empressèrent de retourner à leur activité première. Elle faisait souvent cet effet-là, bien malgré elle, ou pas.

Elle ne prit pas vraiment d'air choqué. A vrai dire, rien n'avait changé dans son attitude. Il aurait tout aussi bien pu parler de la cuisine ou du beau temps que ça n'aurait vraiment rien modifié. Elle termina son thé le plus naturellement du monde en écoutant ses explications. Alors il avait été avocat? Amusant. Il n'en avait vraiment pas la tête, du moins pas au premier regard. Mais le degré d'intelligence apparente pouvait facilement confirmer cette explication. Quoique pour voir une société, il y en avait de bien plus intéressantes que la japonaise. Même si de toute évidence la pègre nippone attirait beaucoup d'opportunistes parmi les étrangers les plus courageux, ou les plus inconscients, c'était selon.

En revanche, sa dernière remarque était clairement dérangeante. Pour la première fois depuis le début de la conversation, une vague lueur non pas de gêne mais de méfiance passa dans son regard. Il était malin, cet irlandais. Peut-être même un peu trop. Les gens malins, soit ils devenaient des personnes intéressantes, soit ils devenaient gênants. Celui-ci se placerait dans quelle catégorie? S'il appartenait au clan Shukon, ce serait la première. Dans le cas contraire... Tout dépendrait. Elle resta pourtant silencieuse quelques secondes, le temps nécessaires pour déposer lentement sa tasse de thé, reprenant ensuite sur le même ton que précédemment.

"Pour votre remarque sur un instrument à cordes, je dirais que vous devez être musicien à vos heures."

Au moins il s'y connaissait un peu en musique. Sans doute même plus qu'elle ne l'imaginait. Pour ce qui était de sa suggestion sur un quelconque accident de moto fictif, elle devait bien reconnaître qu'il était observateur. Le reste... Oh, s'il en était déjà arrivé à autant de conclusions, c'était qu'il était arrivé à la juste déduction sur la cause de ses blessures passées.

"Vous êtes quelqu'un d'intelligent, William. Je ne vois donc aucune utilité à vous dire ce que vous savez déjà."

Ses mains glissèrent de la table à ses genoux. En rien elle ne s'était détournée du gaijin, le fixant non plus avec de la neutralité, mais un vague air qui paraissait de très très loin identique à celui d'un quelconque prédateur. Juste pour confirmer ses pensées, sans pour autant laisser entendre à quelqu'un d'autre dans la salle qu'il s'était passé quelque chose.

Invité

Ainsi donc il ne s'était pas trompé. C'était bien la marque caractéristique des poings américains. Un outil dévastateur. Dans les deux sens. Surtout sur des doigts de musicien. William regarda brièvement ses mains. Rien que le fait d'imaginer ses doigts détèriorés. Brrr... Ca lui mettait la chair de poule. Ne plus pouvoir jouer de guitare... C'était inenvisageable. Malgrès tout il fit son possible pour n'en laisser rien paraitre. Ce qui était difficile, car par nature c'était un personnage très expressif. Car en même temps que Kaede avait retiré ses mains de la table, il avait sentit sa nature profonde : une tueuse méthodique qui y prenait du plaisir. Hé, à force de se ballader au milieu de la pègre tokyoite, on sait reconnaitre ce genre de chose. Malgrès tout il décida de passez outre un possible décé prématuré. De toute manière il avait assez confiance en lui pour s'éviter ce genre de désagréments. Il décida cependant d'écarter la conversation du sujet. Il n'avait pas envie de passer pour un espion qui collectait des renseignements.

- Pour en revenir à la musique... Effectivement je m'y connait un peu. Pas mal d'ailleurs. On dit que je joue bien de la guitare, j'ai fait un peu de violon, de saxophone, de piano et de batterie. Et j'avoue être curieux quand à l'instrument que vous pratiquez.

Il avait plutot habilement détourné le sujet. Evitant un conflit. Ils devraient former des meilleurs diplomates au moyen orient, ça règlerait bien des problèmes. Encore que peut-être pas. Mais bon, c'est pas le problème.
L'irlandais se détendit, et se mit à manger tranquillement son plat qui était déja sérieusement entammé, voir presque finit. Il sentait la tension qui était montée d'un cran lorsqu'elle avait avoué être de la pègre. Mais comme elle devait avoir comprit que lui aussi, elle devait savoir qu'il ne ferait rien de cette information.
En attendant, comme pour l'iralande, évoquer sa guitare lui donnait une furieuse envie d'en jouer. Il fallait bien avouer que du temps où il officiait dans un groupe, il avait bien faillit se professionaliser. Mais l'effondrement du marché du disque a rimput le contrat avant qu'ils aient enregistré l'album. Que de souvenirs. Et pas tous mauvais en plus.
Enfin en attendant la touche en palissandre de sa guitare commençait à sérieusmeent lui manquer.

Oh, elle ne l'imaginait pas du tout en espion. Lui avoir filé une vague chair de poule ne l'amusait même pas. Kaede voulait juste confirmer à l'irlandais ce qu'il savait déjà. Elle n'avait de loin pas l'intention de faire plus que ça. A vrai dire, donner des sueurs froides à quelqu'un qu'elle n'a pas l'intention de tuer pourrait presque la navrer. Ce n'est pas parce qu'elle a la réputation de tueuse qu'elle éprouve le besoin d'ôter des vies. Elle apprécie, c'est vrai. Mais ce n'est pas encore une drogue pour elle. Du moins elle avait toujours fait en sorte de ne pas en être dépendante. Elle déteste être dépendante de quoi que ce soit, d'ailleurs. Sur ses genoux, elle replia sa serviette en tissu pour la poser sur la table à côté de son assiette à moitié entamée. A vrai dire, elle n'avait plus vraiment faim. Non, le gaijin n'y était pour rien, c'était tout simplement le plat qui devait être trop copieux pour elle.

Il était décidément surprenant, ce William. Changer de sujet l'air de rien était une excellente manière de radoucir un peu l'ambiance. De toute manière, il ne tirait rien d'utile en sachant qu'elle était de la pègre. Donner son nom à ses patrons? Ceux qui savaient qui elle était dans les hautes sphères préféraient sans doute ne jamais en avoir entendu parler. Kaede faisait souvent ce genre d'effet, elle pouvait répugner les gens sans avoir cherché à le faire. L'impression morbide qu'elle pouvait donner tout à l'heure avait entièrement disparu. Elle était identique au moment des toutes premières paroles, neutre et polie.

"J'ai un petit peu touché à tout, mais mon insrument de prédilection reste le violoncelle."

Hélas cela ne restera qu'un loisir. Elle était plutôt douée, du niveau d'un virtuose probablement, mais elle avait renoncé à faire carrière dans la musique dès sa première déception. En même temps, qui aurait voulu engagé un petit prodige de quatorze ans qui avait fuit la maison de papa et maman? Il n'y avait que dans l'illégalité qu'elle avait sa chance. Et dans le milieu, on a préféré exploiter des talents différents. Peut-être lui arrivait-elle de regretter, dans l'intimité d'une des nombreuses partitions rejouées qu'elle avait elle-même composé.

"Vous semblez avoir une excellente connaissance du milieu musical. Pourquoi avoir fait des études de droit plutôt que de vous consacrer à cet art?"

Ah ben là au moins, elle n'avait rien sacrifié. Ses études à elle étaient consacrées à la musique. Que se serait-il passé si elle n'avait pas fuit la maison familiale? Ah bien y réfléchir, ça aurait sans doute été bien pire.

Invité

Décidément, elle était perspicace la Kaede. Bon en même temps, comme ils étaient sur le sujet... Et puis c'était sans doute assez visible le pianotage de ses doigts dans le vide alors qu'il mangeait son riz. Il répondit avec sourire sur un ton plutôt léger.

- Pour tout dire, j'ai essayé. On était cinq, jeunes et fous. Les mains toujours occupées soit par nos instruments soit par une pinte, éventuellement un stylo ou un clavier d'ordinateur... Et à force d'écumer les bars, les petites salles, et on a même joué en groupe découverte à l'île de Wight, enfin vous connaissez sans doute pas... Bref, on s'est trouvé une maison indé, on a signé. Mais ils ont déposé le bilan avant qu'on trouve un studio. Alors c'est tombé à l'eau. Le chanteur qui jouait sur deux formations a complètement rejoint l'autre qui était courtisée par une major. Du coup le batteur a lui aussi arrêté, et comme on a pas put les remplacer on a splitté. Enfin je faisais déjà du droit à l'époque, mais j'allais pas souvent à la fac faut bien le dire. Mais bon, après ça j'ai décidé d'avoir mon diplôme et de voir ce que j'en ferais plus tard, reprendre la gratte ou bien rester au barreau.

Faudrait quand même qu'il fasse gaffe, après tout, raconter sa vie à des inconnus c'est pas toujours une bonne idée. Mais bon, pour une fois qu'on lui parlait dans un restaurant, Kaede ne pouvait pas être foncièrement mauvaise. Enfin pas complètement quoi. Et puis un mélomane c'est toujours quelqu'un d'intéressant. Bien sur dans mélomane William ne compte que les gens appréciant très très grandement ce qui va du Hard Rock à la Musique Classique. Donc en fait tout ce qui est musical quoi. Enfin faut quand même pas y inclure l'électro (si vous saviez ce qu'il pense de ces glandus-qui-font-leur-musique-avec-un-ordi-et-qui-sont-pas-capable-de-prendre-leur-propre-instrument...) Avec ça ne comptez pas tout ce qui est purement commercial : "Nan mais je vous jure, c'est quoi ces *** qui font de la merde et l'appellent musique !!" Et bien sur tout ce qui est commercial et qui se revendique pur rock... Comme il y a sans doute des gens qui aiment ce genre de musique qui liront ça, le CSA m'a clairement dit de censurer. Alors comme je suis gentil, je leur fais plaisir. Bref voila la définition de mélomane pour William, et le domaine de définition de Musique, à deux trois exceptions près. En gros, il est très tolérant. Sauf avec l'intolérable.

- En tout cas vous êtes sans aucun doute la première personne que je rencontre qui joue di violoncelle. Enfin non, j'ai connut un "violoncelliste", mais il valait mieux pas le laisser seul avec son instrument et autre chose qu'un sourd si vous voyez ce que je veux dire... Mais vous même, pourquoi n'avoir pas fait carrière dans la musique ? Vous n'y trouviez aucune gratification ou bien autre chose vous a parut plus attrayant ?

Comme d'habitude, il apportait la réponse avant la question, enfin presque. Mais bon, c'était tellement naturel qu'il n'y faisait même pas attention.

La malchance, donc. C'était un vague concept qu'elle connaissait, bien que considérant son parcours et celui bien pire qu'elle aurait pu avoir, elle ne regrettait rien. Son instrument était tout pour elle, et finalement il valait mieux qu'elle le conserve jalousement pour son propre loisir. Parfois elle jouait pour les autres, mais généralement elle ne faisait corps avec le violoncelle que pour son plaisir égoïste. Chacun a son petit péché, le sien était celui-ci. Quelque part c'était nettement plus sain qu'un autre, quoique si on avait voulu vraiment que quelqu'un comme Kaede soit sain, on lui aurait évité le milieu de la pègre.

"C'est dommage. Le destin réserve parfois d'autres chemins. Peut-être auriez-vous fini célèbre, vous et vos amis."

Mais ça n'avait pas été le cas. Kaede avait-elle recherché la célébrité? Jamais de fait. La seule chose qu'elle voulait, c'était vivre, et faire quelque chose qu'elle ne pourrait pas détester un jour. C'était le cas, même si peut-être il aurait mieux valu pour les personnes bien pensantes qu'elle choisisse une voie plus classique, plus sûre. Quoiqu'avec son caractère, elle aurait très certainement mal terminé. Les gens sans trop de conscience, sans réel coeur qui composent relativement bien sont très vite détestés. Oh, elle est bien détestée aujourd'hui quand même, mais de cette manière-là, c'est assez arrangeant.

"Je n'ai jamais recherché une quelconque forme de gratification. Et à vrai dire, c'est mon instrument qui m'a conduit à cette vie."

N'était-ce pas pour son talent qu'un revendeur de drogue opportuniste l'avait engagé? Le reste n'avait été qu'affaires d'opportunités. Et Kaede, comme certains autres, avaient su tirer son épingle du jeu au bon moment. Jamais elle ne s'est détournée de la musique, la seule différence c'était que ce loisir resterait à tout jamais le sien. Elle ne regrettait rien. Dans le milieu musical, les musiciens finissaient par jouer ce que les autres veulent entendre, mais elle, grâce à sa liberté égoïste, elle ne joue que ce qu'elle veut sans aucune contrainte.

"La musique ne m'offre aucun salaire, mais elle continue à me servir selon mon bon vouloir. Je crois que je ne suis pas faite pour jouer selon le plaisir d'une bande d'amateurs qui écoutent sans réellement entendre le chant des cordes."

La serveuse repassa pour enlever le plat de Kaede qui la remercia brièvement, commandant par la même occasion un second thé.

"Mais je plains le violoncelliste que vous avez connu."

Ah ça, c'était rien de le dire. D'ailleurs à cette brève remarque, l'ombre d'un sourire passa sur les lèvres de la jeune femme. Un violoncelle maltraité pouvait rappeler le hurlement d'un animal blessé d'une manière désopilante, sauf pour ceux qui devaient l'écouter régulièrement. Dans ce cas-là, c'était un véritable supplice.

Invité

Ainsi donc c'était ça. Elle fesait partie des gens nombreux qui ne recherchait dans la musique rien d'autre qu'un épanouissement personnel. Ce genre de chose William le comprenait parfaitement. Après tout, depuis que le groupe avait capoté et qu'il avait reprit la fac, il n'avait rien fait d'autre que de jouer pour lui même, ou pour quelques amis. Enfin non, pour tous les gens qu'il connaissait. Mais il faut reconnaitre qu'a l'époque il avait perdue la foi dans l'impact de la musique sur le monde, et ses propres capacités. Ce qui était bien dommage. Quoique ça n'a pas été vain.
Enfin pour en revenir au point de vue de Kaede sur la musique, il ne le trouvait en rien condamnable. C'était une opinion comme une autre. Et puis tant qu'elle prenait du plaisir à jouer c'était l'escenciel.
Par contre il n'était pas d'accord de l'idée qu'elle se fesait du public. Enfin remarquez, c'est peut-être différent dans les styles musicaux que couvre Kaede, mais dans ce que fait William...

- Hum...

Une petite exclamation accompagnée d'un signe de tête aprobateur. Peut-être une réponse à la première phrase de Kaede. Peut-être pas.

- Disons que globalement j'adhère à votre vision des choses. Enfin si je n'y adhère pas, je la comprend parfaitement. Surtout en ce qui concerne le violoncelliste... Ah, ça c'est sur... Enfin heuresement pour lui c'était un bassiste émérite. Funky à souhait.

Il marqua une pause, le temps de macher sa dernière bouchée de riz, et d'adresser un sourire joyeux au temps où il prêchait la "bonne parole" avec le-dit bassiste.

- Par contre, je ne comprend pas vraiment votre vision du public. Bon après c'est peut-être plus que toute chose une vision liée à des critères subjectifs. Mais je ne vois pas en quoi il est utile que le public soit composé de musiciens professionels... Après tout, des professionnels sont les plus à même de cultiver le conservateurisme musical. Ils ont des bases, et en groupe refuseront de les changer. Et pareille imobilité n'est bonne en aucun domaine. Plus encore dans la musique, dont le but premier est déjà de divertir les foules. Enfin, vous conviendrez quand même que présenter un morceau avec des arangements peu orthodoxes ou des combinaisons à faire frémir un puriste, si il fait tripper le public, alors que demander de plus ?

Il réfléchit un instant sur ce qu'il avait dit... Faut dire que de sa bouche, les mots sortent tout seuls.

- Je me demande si j'ai pas dit un peu n'importe quoi dans tous les sens quand même là...

Bon, en même temps, on lui pardonne à notre irlandais. La musique est la chose au monde qui lui tien le plus à coeur. Plus encore - que dis-je, beaucoup plus - que les femmes, l'argent et l'alcool. Le fait qu'il y ai ici alcool en dit long, parce que même parmit les grands écopeurs de pubs irlandais, il a du coffre, et il tien bien.

Pendant un moment, Kaede parut perplexe face à la tirade du gaijin. Pour vague réaction humain, un de ses sourcils tressauta un instant. Bon, dans l'ensemble il avait raison. non, de fait, il avait parfaitement raison sur toute la ligne. Finalement elle n'avait pas utilisé les bons termes pour décrire son égoïsme. Oui, ce devait être ça. Pourtant elle ne chercha pas à le reprendre. Il ne parlait pas seulement de musique, il la vivait. Et ce genre de personne devait être respectée. Ce devait d'ailleurs bien être la première personne à laisser Kaede silencieuse et attentive sans que sa position n'y soit pour quelque chose. La musique réuni les peuples, dit-on. Cependant elle voulait quand même rectifier ses propres paroles mal exposées.

"En fait, bon nombre de professionnels ne valent pas plus que des amateurs. C'est surtout que je ne désir absolument pas divertir quelqu'un d'autre que moi-même. Et faire <<tripper le public>>, comme vous dîtes, n'éveille en moi aucun intérêt."

Oui, voilà. Pour Kaede, toute personne autre qu'elle était un amateur, jusqu'à-ce qu'il lui ait prouvé le contraire. Un musicien émérite n'offrait pas nécessairement une oreille plus plaisante qu'un adepte de ces rythmes fixes sans musique comme... Comment ça s'appelle... Techn-quelque chose. A la rigueur elle préfèrerait de loin l'oreille d'un sourd qui lui n'entend plus mais ressent ce que les sons ont à offrir.

"Je suis quelqu'un de très égoïste, comme vous l'aurez constaté."

Et elle ne voulait que très rarement partager l'intimité qu'elle avait avec son violoncelle. Oh, ce n'est pas pour autant qu'elle refusait de jouer pour les autres, c'était juste que les réelles notes qu'elle jouait de toute son âme (si si, elle en a une, quelque part) lui étaient trop précieuses pour laisser quelqu'un les écouter, à plus forte raison s'il ne pouvait pas les comprendre. Son second thé fut déposé devant elle, et la serveuse reparti avec la tasse vide, jetant un vague regard curieux au deux protagonistes, comme si une discussion pouvait être surprenante.

"MAis j'adhère à votre point de vue. Beaucoup de musiciens émérites restent hélas trop enclavés dans les normes classiques. Ceux qui s'essaient à briser les conventions n'en tirent que d'avantage de mérite, surtout s'ils arrivent à plaire aux foules."

Et s'ils arrivent à tenir le succès sur la longueur. Beaucoup de groupes pourtant prometteurs se sont cassés les dents sur la première difficulté, et beaucoup d'incompétents sont devenu des star adulées par des adolescente pré-pubère. Comme ont dit, il faut de tout pour faire un monde! Mais quelque chose lui disait que si les anciens membres du groupe de William avaient le même état d'esprit, et si la chance les avait un peu plus aidé, ils auraient connu le succès de ceux qui deviennent plus tard des exemples à suivre dans la musique.

"C'est vraiment dommage que votre groupe n'ait pas pu poursuivre. Vous auriez sans doute connu une vie toute aussi palpitante mais moins dangereuse."

Enfin quoique... Avec tous les fans hystériques qui existent, on ne savait jamais.

Invité

La dernière remarque fit rire William. C'est sur, généralement on envoie pas les rockstars régler leurs comptes à une bande de junkies excités qui ont tabassés une prostituée. Non c'est d'ailleurs plus souvent la rockstar qui est un junkie et qui tabasse les paparazzis. Mais bon, on peu envisager que vu la personnalité de Will, il aurait plus certainement finit alcoolique et filé sa thune superflue (c'est à dire celle dont il n'avait pas besoin pour son alcool et ses guitares... Eventuellement sa bouffe) à diverses associations caritatives, sans plus de jugement.
Le tout en vivant dans un vieux manoir dans la banlieue de Dublin, ou dans un petit appart' en plein centre.

- Erf... C'est sur c'eut été la belle vie. Whisky à gogo, ptêtre même des premières parties, voir des partages de scène avec des pointures comme U2... Pourquoi pas les Stones ? Enfin faut pas exagérer non plus. Mais bon, c'aurait été vraiment sympathique ça c'est sur. Et puis je ne vivrais que de la musique, autant dire que rien que pour ça...

Enfin, de toute manière sa vie n'était pas finie. Et tant que ses doigts seraient en bon état, il pourrait jouer. Or rien ni personne ne pouvait espérer les lui abîmer. Ou en tout cas y parvenir et se retrouver simplement abattus d'une anonyme balle dans le dos. Non, celui qui un jour oserait briser sa vie en même temps que ses doigts... La phrase atypique du genre "A coté de ça l'enfer sera un paradis" Serait... Pour ainsi dire parfaitement justifiée. Mais bon pour l'instant ses doigts se portaient bien alors pas la peine d'y penser.

- En tout cas, je ne sais pas si statistiquement je vivrais en écumant les scènes plus longtemps que... Qu'en continuant d'exercer mon actuel emploi... Après tout, statistiquement beaucoup de rockstars sont mortes avant trente ans. On en a même assassiné certaines : John Lennon par exemple. D'autre se sont suicidés, ce cher Kurt... Ah ça c'est pas dis que j'aurait vécut aussi longtemps. Bon en même temps quand on voit les papys que sont les Stones... On se dit que c'est un métier qui conserve bien.

Hé oui... Si on lance Will sur la musique, immanquablement, pour le meilleur et pour le pire, ce genre de noms sortira. Toujours. Ho, après ils varient souvent. Mais Nirvana et les Rolling Stones reviennent très souvent. A coté, on pourrait presque dire qu'il avait fait preuve d'imagination en allant pêcher Lennon. Non, en fait il en connait beaucoup. Pas beaucoup sur tout le monde, mais si ils sont en vie ou pas, si ils continuent à jouer ou pas. Il n'est pas du genre de la groupie fanatique qui connait la couleur préférée de son chanteur préféré (et pas même le nom de ceux qui jouent la musique.) Non, ces noms là, il les sorts parce que ce sont des gens qui selon lui ont grandement marqués la culture populaire mondiale (bon après c'est sur que les pauvres enfant qui travaillent dans les usines en Chine s'en balancent sûrement, mais bon...) Et notre cher irlandais considère plus ou moins comme étant de son devoir d'initier à ces glorieux personnages ses interlocuteur, après tout, si on sait des choses sur un musicien, on peut avoir envie de l'écouter. Et rien ne fait plus plaisir à William, à part jouer, que de faire plaisir aux gens. Et si il peut le faire en leur faisant découvrir de nouveaux horizons musicaux, ben c'est génial. Bon par contre il était plus ou moins persuadé que Kaede connaissait ces gens. Et qu'elle avait un avis dessus. Qu'il soit favorable ou défavorable peut lui en importait. Encore que vu qu'elle ne jouait que pour elle, peut-être n'écoutait pas les autres. Bien qu'il en douta, c'était possible. Non pas probable, mais possible.

De fait, pour la sécurité, Kaede aurait mieux fait de se taire. Les Irlandais sont portés sur la bouteille, c'est bien connu. Non, finalement il aurait peut-être eut une fin tout aussi prématurée que beaucoup de junkies dans les milieux artistiques. Ou peut-être savait-il se modérer? Bonne question! Bien qu'elle ne le connaissait pas, elle subissait tout de même l'influence des préjugés.

Après tout, s'il était malin, il n'en était pas pour autant incorruptible, surtout si on payait en whisky pur malt avec de préférence plus d'une dizaine d'années d'age. A bien y réfléchir, tout le monde pourrait être corruptible, Kaede y comprit, si quelqu'un trouvait ce qui pourrait la faire flancher. La jeune femme parut pensive. Ce que disait William était vrai, hélas. La gloire apporte bien souvent son lot de vices.

"Hm... Dommage que tous les groupes ne suivent pas cet exemple. AC/DC et Korn ont aussi tenu la longueur, mais il est vrai que la voix de monsieur Cobain me manque tout de même, il avait cette conviction que beaucoup de chanteurs ont perdu aujourd'hui."

Eh oui, elle n'était pas si enfermée dans son amour du violoncelle. Oui, Kaede aimait la musique sous toutes ses formes, et même si sa préférence allait largement dans son petit plaisir personnel, elle restait tout de même à l'écoute. C'était parfois étrange à se l'avouer, mais pour ce qui était du rock (le vrai) certains groupes européens et américains devançaient de beaucoup des groupes japonais souvent constitués de demoiselles aux voix enfantines et de jeunes hommes à l'apparence féminine.

"Hélas je ne connais pas du tout les artistes irlandais, hormis Enya peut-être. Ma culture a tendance à se limiter à ce qui passe à la radio ou sur les chaînes de télévision musicales."

Non, de fait elle ne connaissait que ce que les médias proposaient. Pourquoi? Simplement parce que, malgré sa passion, elle n'avait pas le temps de chercher, d'aller à des concerts, de devenir fan d'un quelconque groupe nouvellement découvert et pas encore pleinement commercial.

C'était sans doute très très limité, mais pour le moment, elle ne s'en plaignait pas du tout. Oui, elle aimait surtout le classique, mais il n'était pas rare d'entendre quelques basses d'un groupe plus moderne comme Korn ou Apocalyptica émaner de sa chambre. Il fallait être ouvert à tout, non?

Invité

William savait bien qu'elle aurait-son avis sur ce type de musique. Un avis plutot similaire au sien d'ailleurs : ceux qui sont dignes d'être cités ont marqués l'histoire. Bien que le concernant, Korn ne marquait pas vraiment sa vie, pour beaucoup c'était une référence de la scène métal. Et puis cette reprise de Creep... Hum, au moins au niveau de l'original.
Par contre pour AC/DC, leur contribution à l'évolution musicale est indiscutable. Sans eux, le hard-rock moderne ne serait peut-être pas ce qu'il est.
Les Guns et Led Zep ont posés les bases, mais ce sont ces damnés australiens qui ont construits la maison. Et plutot bien il faut le reconnaitre.

- Ah c'est sur, l'Irlande est musicalement plutot mal située. Coincée entre ces deux monstres que sont l'Amérique du Nord et le Royaume Uni. D'un coté il y a tous les Hendrix, Elvis, Nirvana, Ramones, Velvet... Et de l'autre, on se prend les Stones, Led Zep, les Clash, les Pistols... Et tant d'autres...

On comprendra pourquoi Will a épargné à Kaede l'énumération de tous les groupes de qualité Américains et Britanniques. C'eut été un sacré boulot. Et puis même en ressérant l'étau à de très haute qualité, on y aurait quand même passé au moins trois ou quatres heures. Donc les principaux c'est suffisant. Même si il manque toujours.

- Par contre, je suis assez étonné que U2 soit si peu populaire ici. Après tout, The Edge est quand même un des guitaristes les plus novateurs de notre ère. Sans parler de Bono qui se médiatise beaucoup en plus de ce que son talent lui apporte. Et au moins lui c'est pas en fesant des publicités pour des lignes de fringues...
Après... Hum, d'assez connu je citerais les Pogues. Ils étaient parait-il des grands amis des Clash. Ils alliaient la musique folklorique Irlandaise au Punk. Le tout pour un résultat des plus agréables.

Bien qu'il eut parlé avec amusement tout le temps que dura sa tirade, William regrettait cette mise en ignorance de l'irlande. Si il fallait, Kaede savait sans doute qui étaient U2. Mais elle ne savait même pas qu'ils étaient irlandais. Les croyant anglais.
Enfin c'était peut-être le fait que l'irlande se trouve à l'autre bout de la planête. Lui même en arrivant au Japon, il ne connaissait de leur musique que X-Japan. Et encore, il en avait juste entendu parler.
D'ailleur sa situation ne s'était pas vraiment arrangée. Grace à internet il écoutait les radios irlandaises ou anglaises. Ce qu'il connaissait de la musique japonnaise n'était pas vraiment ce qu'elle était en sa profondeur sans doute.
Il faut dire que ce qui était dans les magasins nommé "Rock japonnais" était à peine digne du titre de "soupe pop" en europe souvent. Et le style vestimentaire de ces gamins aux cheveux décolorés qui se prennent au sérieux comme si ils étaient meilleurs que les plus grands... Ca ne donnait pas envie d'écouter.

- Enfin, je ne peux pas vous blâmer de ne pas connaître la scène Irlandaise. La plupart des irlandais finnissent par signer en Angleterre ou s'installent à Londre. Et puis moi même, bien que je vive au japon, je n'éprouve pas vraiment d'intéret pour les groupes nationnaux. C'est peut-être du à la différence de culture. La définition de Rock n'est peut-être pas la même partout. Déjà qu'elle n'est pas la même pour tout le monde.
Alors ne parlons pas de la définition de "musique".

Tiens, U2 était un groupe irlandais? Kaede ne leur trouvait d'irlandais que le chanteur, avec ses engagements politiques et caritatifs plus que flagrants. En revanche elle avait sérieusement cru que le groupe était d'origine anglaise.

Décidément elle n'y connaissait pas grand chose, la pauvre. Non, en fait, elle aimait la musique, mais se souciait relativement peu des personnes qui la créaient. Peut-être en cherchait-elle les noms dans l'optique d'entendre d'autres morceaux, mais son intérêt se limitait à ça. Pour la peine, elle avait appris quelque chose, aujourd'hui. C'était toujours ça de pris.

Elle prit quelques gorgées de thé chaud en écoutant William. Le seule Edge dont elle avait entendu parler était un catcheur plutôt beau gosse mais assez peu son genre. Autant dire que ses connaissances en la matière était vraiment faibles.

Cependant il avait plus que raison sur un point: chacun se fait sa propre définition d'un style musicale, alors autant dire qu'il serait difficile de se limiter à seulement une poignée de références en matière de groupes.

"Effectivement, il doit exister autant d'avis que d'individus sur le sujet."

Encore quelques gorgées, et elle reposait la tasse à moitié vide, relevant une main à l'intention de la serveuse pour lui demander l'addition. La conversation est plus que plaisante et elle voudrait bien la prolonger, mais il fallait qu'elle puisse se tenir prête à partir dès qu'il en sera temps. Le travail restait tout de même sa priorité.

"Vous avez gardé le contact avec vos amis? Peut-être qu'un jour l'envie de reformer votre groupe pourra les prendre."

Pour autant que d'ici là son casier judiciaire ne se soit pas aggravé. Certes, sortir de la pègre n'était pas donné à tout le monde, mais certains s'en sortaient tout de même, et s'il avait l'opportunité de poursuivre ce rêve inachevé, pourquoi s'en priver? Mais peut-être la gloire ne sera plus possible dans son pays d'origine.

Invité

Un sourire éfleura le visage de William. Non pas un sourire comme il en fait d'habitude : simples et amicaux. Mais le sourire. Le sourire du calculateur. Le sourire de celui qui a tout prévut et qui le sait.
On pourrait presque dire : le sourire du génie diabolique. Bon à cela près que ce cher Will n'a rien de particulièrement démoniaque ou diabolique.
Mais il avait éffectivement tout prévut. Et cela méticuleusement. L'affaire pour laquelle il avait été prise, il en avait fait un acte philanthropique en reversant les sommes déclarées volées par sa proie à des organismes humanitaires, de sorte que si on fouillait son passé on ne pourrait pas trop l'emmerder avec. Sa cible ne voulant pas que les médias écrivent une seule ligne sur elle, avait empêché le moindre site internet (c'était facile, y'en avait pas des masses à l'époque) d'écrire sur l'affaire ne serait-ce qu'un seul mot.
Et comme il n'avait pas passé une nuit en prison... Les foules considèreront son casier comme vierge.
Et bien sur il continuait à suivre et à être en contact avec les anciens membres de son groupe.

- C'est effectivement dans mes projets. Enfin si tout se passe bien.

Et le risque d'être éliminé pendant son boulot ? Il le considérait comme négligeable. Il était mut par la force de tendre vers un futur. Non pas l'appat du gain, ou la volonté de préserver son état. Non il était mut par la volonté de remonter sur des scènes et de retrouver les vertes prairies au nord de Dublin.
Alors il ne pensait pas qu'il puisse lui arriver quelquonque problème.
D'ailleur comme il ne fesait rien d'à proprement parler illégal comme des assassinats ou du braquage, mais qu'il rendait une certaine justice à des délits qui n'auraient sinon jamais été punis... Il ne risquait pas grand chose. Et puis au pire il serait capable de s'en tirer. Il le savait.
Ou en tout cas se refuser à imaginer un autre futur. Et ça vallait mieux pour lui.
Il finit sa carafe d'eau. Se disant qu'il était temps de confronter sa carte bleu à l'addition pour lui aussi. A cette pensée il était prit d'une certaine lassitude. Ce genre de restaurants... Ben disons qu'on a déjà vu moins cher. Enfin bon, la conversation et la nourriture vallaient sans doute le prix à payer. Enfin au dela de l'équivalent de deux cents euros, ça ne le vaudra sans doute pas vraiment tout compte fait.

Donc il faisait parti de ses gens qui avait envers et contre tous l'espoir de réaliser leurs rêves? De fait, elle l'aurait bien pris pour un idéaliste, s'il n'avait pas eu ce sourire calculateur. Pour prononcer de pareils mots, il avait dû assurer ses arrières, et pas qu'un peu. Décidément les étrangers étaient parfois agréablement surprenant. La seule chose qu'elle pouvait lui souhaiter était que tout ce qu'il avait planifier se passe comme prévu. Jusqu'où avait-il prévu les choses d'ailleurs?

Etre passé par la case "yakuza" n'est en soit pas une très bonne étape pour continuer. sauf si l'on faisait abstraction du fait que beaucoup de délits se perdaient en route dans la paperasserie administrative par un merveilleux hasard souvent un peu poussé. Mais ce n'était pas vraiment les problèmes judiciaires dont il fallait se méfier. Les yakuza ont tendance à ne pas trop apprécier les électrons libres, alors soit ils les font entrer dans les rangs de manière agressive, soit ils les éliminent. Peut-être les origines de William allaient jouer en sa faveur, tuer un gaijin apporte parfois plus de désagréments que d'avantages. Peut-être comptait-il dessus ou alors avait-il également un plan pour se faire la belle sans craindre de représailles. Et qui sait, à l'étranger, la pègre japonaise n'a sans doute aucun contact pour régler les problèmes de manquement au devoir mafieux. Certains étaient hargneux dans le milieu, mais peut-être pas autant qu'elle ne le pensait, du moins c'était ce qu'il fallait souhaiter pour l'Irlandais.

"Alors je ne peux que vous souhaiter le bon déroulement de vos plans."

Kaede acheva son thé et reposa la tasse. La serveuse traversait la salle dans sa direction, l'addition en main. Après l'avoir déposée, elle reprit la tasse vide et allait s'en aller quand la main de Kaede lui prit le poignet discrètement, provoquant par la même occasion un regard surprit de la part de la serveuse.

"Pourriez-vous m'apporter également l'addition de ce monsieur, s'il vous plait?"

La serveuse parut un instant interdite. Pour appuyer ses paroles, Kaede fit un très léger signe de tête en direction de William, avatn de se reporter sur la jeune fille qui, à défaut de trouver quoi que ce soit à dire, s'éloigna avec la tasse vide sans rien ajouter.

Invité

William avait laissé la scène se dérouler sans rien dire. Non pas qu'il était forcément très très content de se faire inviter de force. Encore que, pour son compte en banque c'était sans doute plutot bienvenu. Non, c'était surtout qu'il avait dans l'idée que malgrès "l'exubérance" dont fesait preuve Kaede, refuser son invitation pourrait être assez mal vu.

- Je pense ne pouvoir que vous remercier. Enfin générallement j'ai entendu dire que c'était les hommes qui invitaient.

Par là il ne fallait pas croire que William faisait quelconque proposition galante à Kaede. A vrai dire, hors de sa conversation, la jeune femme ne l'intéressait guère. Pas qu'il ne la trouve pas à son goût. Enfin si un peu, mais de toute manière, très rares sont celles qu'il a un jour désirée, en fait aimée. D'ailleurs il parlait sur un ton qui n'avait rien de charmeur. Qu'y avait-il de charmeur en lui de toute manière ? Non, il faisait simplement cette remarque. Histoire de dire "Nan mais c'est quoi ce beans ? C'était pas la peine..." Du coup il rajouta lorsque la serveuse revint avec les petits papiers imprimés.

- Alors disons que la prochaine fois, la note est pour moi. J'ai seulement l'allure d'un SDF japonais de luxe vous savez.

Là non plus, la remarque était dénuée de toute trace d'amertume du fier à bras qui se refuse à ce qu'on lui fasse la charité. La voix de l'irlandais était profondément teintée d'humour. Comme à son habitude. Il avait rajouté de luxe histoire d'ajouter un peu de panache à son accoutrement qui faisait certes plutôt cheap dans pareil endroit, ce dont il ne se formalisait pas le moins du monde, mais qui avait la joyeuse tendance à énerver les formalistes. Puis, lorsque Kaede eut réglé les notes, William se leva. Il récupéra sa veste sur le dossier de sa chaise et la repassa. La soirée ne devait pas être des plus chaudes. Et puis sa veste contenait quand même son I-Pod et un autre objet d'une importance plus... Voila quoi. Bien que des deux, le bijou technologique d'Apple était celui auquel il accordait le plus d'importance, il savait nécessaire de conserver l'autre. Puis, alors que Kaede n'avait pas encore bougée, il lança, à ce qu'on pourrait appeler la cantonade.

- Bon, maintenant, si vous vous en sentez la force, et surtout l'envie, je peux vous emmener faire la tournée des bars. Ou d'un seul si vous préférez... Enfin, histoire de poursuivre cette très agréable conversation.

A vrai dire ce n'était pas vraiment une question. L'invitation était là uniquement à titre informatif et pour la forme. Après tout, ça faisait toujours plus classe qu'un "Aller amènes toi, on va se pinter la gueule !"
D'ailleurs il pensait sérieusement que Kaede n'était pas du genre à fréquenter les bars. Mais il s'était décidé à lui proposer. Histoire de voir si elle suivrait. Et puis peut-être passait-elle plus de temps que lui à écluser les tavernes. Encore que c'était une tache difficile.

Il n'y avait finalement pas grand chose de galant ou quoi que ce soit de similaire dans cette simple volonté de régler la note. Elle non plus ne cherchait pas le moins du monde à séduire. En revanche, les personnes possédant de la réplique en musique était plutôt rares. Ceux qui s'y connaissaient et qui parlait avec Kaede en sachant qui elle était avaient trop tendance à approuver ses paroles sans rien apporter à la conversation, et ça devenait vite ennuyeux. Mais lui, il lui avait au moins appris quelques petites choses, et surtout il était musicien. C'était bien suffisant pour que Kaede lui offre un repas, non? D'autant plus que ce genre de dépense était minime par rapport à son compte en banque.

Ce n'était pas de la charité non plus. Kaede ne ressentait pas vraiment la pitié, et la générosité ne faisait pas non plus partie de ses qualités. C'était plutôt comme quelque chose qui s'apparentait à de la reconnaissance pour lui avoir permis de s'évader le temps d'un repas loin des tracas quotidiens. Ils savaient l'un comme l'autre à quel milieu ils appartenaient, et pourtant ça n'était pas entré en ligne de compte. Ou plutôt William n'avait pas continué sur le sujet.

"Et bien nous allons dire qu'ici le sexe importe peu. Et je vais prendre note de votre suggestion. Peut-être aurons-nous l'occasion de nous croiser le temps d'un repas à nouveau."

Il avait tout de même de l'humour. Certains hommes pouvaient mal prendre les initiatives de la gente féminine. Mais il n'y avait strictement rien de suggestif dans le fait de payer l'addition. Kaede régla en liquide, laissant comme à son habitude un pourboire à la serveuse habituée à la voir dans l'établissement. Elle rangea ensuite son portefeuille dans sa veste encore accrochée au dossier de sa chaise tandis que l'irlandais lançait son invitation surtout par politesse, pensait-elle.

"Ce serait avec joie, mais j'ai du travail qui m'attend, tout comme vous, je suppose."

Elle se leva à son tour, enfilant son veston qu'elle ajusta sur ses épaules. Enfin, elle glissa une main dans sa poche pour en sortir ses gants, tout en contournant sa propre table.

"Et puis je ne voudrais pas briser un cliché en tenant mieux l'alcool qu'un irlandais."

Ciel, de l'humour! Si si, elle pouvait en faire, parfois... De temps en temps... Enfin ça arrivait, quoi! Contre toute attente, Kaede pouvait fréquenter les bars, et d'ailleurs elle tenait assez bien l'alcool. Mais bon, face à William, elle n'avait aucune chance et de fait elle préférait ne pas tenter le diable.

Invité

Ah ben ça ! william était litéralement sur le cul (enfin presque léitéralement) de stupéfaction. Comment un être humain peut-il refuser un verre. Ce genre de chose il ne le comprenait vraiment vraiment pas.
Fallait vraiment qu'elle aime son boulot. Ou qu'elle ai des masses de responsabilité.
Sans doute beaucoup plus que lui se dit-il, et on admettra qu'en même temps c'est pas vraiment difficile.

- Hé bien soit. Il faudra aussi que nous nous revoyâmes pour cela. Je ne peux quand même pas volus laisser vous ballader avec ce genre d'illusions dans la tête. Sans vouloir bien sur paraître mesquin.

C'était quand même un peu mesquin, enfin taquin quoi qu'il en dise. Mais cette fois-ci ce n'était pas une invitation purement lancée à la légère. Dire à William qu'on tenait mieu que lui la bibine c'était le meilleur moyen pour qu'il fasse totu pour prouver le contraîre.
Kidnapper la Shateï-gashira d'un des plus influent clan yakuza ? Ca en fait partie. Bon comme il ne savait pas qu'elle était aussi placée peut-être que ça le refroidissait moins. Et bien sur, il arriverait à se retenir d'aller l'emmener vider les tavernes de force. Bon par contre ce qui est sur c'est qu'il la retrouvera.
Surtout que ni tokyo ni le milieu ne sont gigantesques. Encore que Tokyo.

- Bon hé bien, dans ces conditions je ne vais pas vous retenir plus longtemps. J'ai comme dans l'idée que votre travail n'est pas de ceux que l'ont peu laisser chauffer au coins du feu. Ou alors si c'est le cas que vous êtes littéralment noyée à l'intérieur.

Il fouilla dans sa poche pour en sortir un simulacre de carte de visite imprimée sans aucun doute sur un ordinateur domestique. Mais bon comme les cartes de visite c'est cher et très important au japon. Ben il s'était arrangé tout seul.
D'ailleur pas mal de gens voyaient ça d'un mauvais oeil. Enfin de toute manière cet irlandais, soit on le prend comme il est soit on peu aller se pendre à un arbre alors...

- Enfin sachez que ce fut un plaisir de partager cette discussion et ce repas. Pour une fois que je ne suis pas contrain de manger en silence, je ne vais pas me plaindre. Enfin si vous voulez un jour voir comment on assèche une taverne, appellez moi. Et bien sur je n'oublierais pas que je vous doit un repas.

Sur ce il lui tendit la carte de visite sur laquelle figuraient "William - Amoniaque" et un numéro de téléphone accompagné d'une adresse mail. Et d'une adresse tout cours. Aucune profession n'était notée sur le morceau de papier cartonné.

Aimer son boulot? On pouvait dire ça comme ça. La plupart du temps,ses activités la laissait passablement indifférente. Ce n'était qu'un job, avec salaire, mais un job pour lequel elle mettait un point d'honneur à donner le meilleur d'elle-même à tel point qu'elle en venait presque à en faire une affaire personnelle dès qu'il s'agissait du bien du clan tout entier. Bien sûr, elle avait aussi les responsabilités, mais c'était surtout qu'elle n'aimait pas remettre les choses au lendemain. Elle prenait toujours un peu de temps pour elle, comme pour ce repas, mais finissait inlassablement derrière son bureau ou dans les ruelles de Tokyo pour faire le ménage quand il valait mieux ne pas envoyer de sous fifre.

Alors elle avait touché là où sa fait mal, tout en restant dans l'humour. Elle ne pensait pas cependant qu'il pourrait se servir de ses propos pour lui relancer une invitation à l'occasion. Il fallait bien avouer que quelque part, cet irlandais lui était sympathique, et s'il fallait que tous deux s'affrontent autour d'une collection de bouteilles, elle en ressortirait nécessairement gravement imbibée. Depuis combien de temps ne s'était-elle pas saoulée d'ailleurs? ça devait se compter en année. Surtout qu'elle n'avait pas relevé de défi depuis longtemps. Bon, elle savait que c'était perdu d'avance, mais juste pour le déroulement, ça pourrait en valoir la peine.

Mais le fait était que le travail n'allait pas attendre sagement. Elle avait pour habitude de ne pas achever ses soirées avant d'en avoir fini avec les paperasses quotidienne, et comme elle n'avait pas prévu de faire long feu ce soir, elle n'avait rien anticiper. Comme on disait si bien: une prochaine fois!

"Effectivement, je ne peux pas me permettre de prendre du retard dans mes affaires."

Elle referma le bas de sa veste, n'arrêtant la course de la glissière qu'à mi-chemin pour attraper la carte (si on pouvait appeler ceci une carte) de William. Elle la fit tourner entre ses doigts, constatant que malgré les moyens du bord, le papier contenait tout ce qu'il y avait de plus important, puis elle le glissa dans la poche intérieure de sa veste.

"Ce fut un plaisir pour moi également. Je vais prendre votre invitation au sérieux, alors attendez-vous à avoir bientôt de mes nouvelles."

A moins qu'entre-temps il n'apprenne qui elle était au sein des yakuzas. Enfin William ne paraissait pas faire partie de ceux qui pourraient être effrayés par un quelconque statut. kaede enfila ses gants et acheva les derniers mètres jusque dans l'entrée du restaurant, là où un semblant de vestiaire était aménagé et où son casque reposait sur une étagère. Elle l'attrapa et se retourna une dernière fois.

", William."

[Quelqu'un saurait-il changer l'appellation de ce smile? -_-°]

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